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profitait de toutes les occasions pour leur enseigner la religion. Lorsqu’il sortait pour aller visiter quelques familles, s’il rencontrait un enfant sur sa route, il s’arrêtait, l’appelait à lui, et commençait à l’interroger sur son catéchisme, ou à lui faire réciter sa prière. L’enfant était-il ignorant des réponses élémentaires, il l’avertissait de se rendre à l’évêché le lendemain, pour assister au catéchisme. Le nombre de ceux qui venaient y assister était-il petit, il n’y mettait pas moins d’importance. Il arrivait parfois qu’il n’avait pour auditeur qu’un enfant ou un vieillard ; pourtant le bon évêque expliquait sa leçon avec autant de zèle que s’il eut eu cent auditeurs[1].


Il fit plus. Pour attacher au sol ses Paroissiens plus ou moins nomades, leur faire prendre des habitudes de sage prévoyance et leur montrer les avantages de la civilisation en temps de disette, il se procura un troupeau de bœufs qu’il acheta à vil prix de colons découragés qui quittèrent le pays après l’inondation de 1826. Il donna lui-même des leçons d’agriculture à ses gens, payant de sa personne et conduisant la charrue même après sa consécration épiscopale, travail que, du reste, firent aussi M. Dumoulin et d’autres de ses missionnaires.

Voulant pareillement amener les sauvages à se créer des ressources plus certaines que celles de la chasse, il leur fit venir des pioches et des charrues, et leur donna des bœufs pour labourer, en même temps qu’il demandait au Canada toutes sortes de semences et même des arbres fruitiers pour en essayer la culture. C’est à lui qu’on doit l’importation du premier poêle de la colonie, et l’établissement, en 1888, d’une école industrielle pour enseigner le tissage des étoffes aux jeunes filles du pays. Et pourtant, à l’exception du Dr Bryce, les historiens anglais ne disent mot du rôle qu’il joua dans la civilisation des indigènes et l’amélioration, même au point de vue temporel, de la condition des métis et autres.

Je ne parle pas des trois églises qu’il éleva successivement à Saint-Boniface, et dont la dernière, qui était la plus belle bâtisse de la colonie, un édifice dont les « tours jumelles » et les cloches argentines ont été immortalisées par le poète américain Whittier, fut malheureusement brûlée en 1860[2].

Mais si son mérite n’a pas été reconnu par les Anglais qui sont venus après lui, il ne resta pas inaperçu de ses contemporains. Quand, en 1835, un gouvernement régulier fut organisé, il fut

  1. Ibid., p. 137.
  2. Le 14 décembre 1860 est la date du sinistre. Je ne sais où M. l’abbé Dugas a pris celle de 1861, qu’il donne dans son dernier volume, Histoire de l’Ouest Canadien, p. 144. Montréal, 1906.