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J’avons cerné la bande de grenadiers.
Ils sont immobiles ; ils sont démontés.
J’avons agi comme des gens d’honneur ;
Nous envoyâmes un ambassadeur :
Gouverneur, voulez-vous arrêter un p’tit moment ?
Nous voulons vous parler.

Le gouverneur, qui est enragé.
Il dit à ses soldats : « Tirez ! »
Le premier coup l’Anglais le tire ;
L’ambassadeur a presque manqué d’être tué[1].


Ce « presque manqué » est superbe. Quant à la question du premier coup, comme d’ordinaire en pareil cas, chaque côté en rejette la faute sur l’autre.



Et maintenant, que penser de cette malheureuse rencontre ? Sur quelle tête en faire peser la responsabilité ? Comme nous l’avons vu, les torts étaient certainement réciproques, bien que led sentiments de pitié que suggère son issue si fatale à l’un des deux partis nous portent instinctivement à en accuser l’autre. Pourtant, sans la politique agressive et les représailles exercées par Colin Robertson et Semple lui-même, qui rasa le fort Gibraltar malgré l’avis du premier, il est probable que cette lugubre journée serait encore à enregistrer par l’histoire. D’un autre côté, on ne peut s’empêcher de remarquer que le gouverneur-en-chef agit en cette occasion avec une coupable légèreté et une inexplicable

  1. Telle est la version des auteurs anglais, qui copient la transcription de Hargrave. Il convient d’ajouter qu’elle ne fait pas pleine justice au talent poétique de P. Falcon, puisqu’elle omet plusieurs rimes et massacre parfois le rythme. Voici l’équivalent des lignes ci-dessus d’après Joseph Tassé. (Les Canadiens de l’Ouest, vol. II, p. 347) :

    J’avons cerné la bande des Grenadiers ;

    Ils sont immobiles, ils sont démontés.

    J’avons agi comme des gens d’honneur,
    J’avons envoyé un ambassadeur :
    « Le Gouverneur, voulez vous arrêter
    Un petit moment ; nous voulons vous parler ? »

    Le gouverneur qui est enragé
    Il dit à ses soldats : « Tirez ! »
    Le premier coup c’est l’Anglais qui l’a tiré,
    L’ambassadeur ils ont manqué tuer.