Ces arbres n’existent plus, mais la « grenouillère » est encore très reconnaissable. Un de mes premiers soins en arrivant à Winnipeg fut de me rendre à ce lieu historique. Avouerai-je que j’eus toutes les peines du monde non seulement à le trouver, mais à me mettre en rapport avec un habitant de la ville qui en eût entendu parler ? La Société historique du Manitoba y a pourtant érigé un monument commémoratif. C’est une colonne de granit ornée de l’inscription suivante :
SEVEN
OAKS
—
ERECTED IN 1891
BY THE
MANITOBA HISTORICAL SOCIETY
THROUGH THE GENEROSITY OF THE
COUNTESS OF SELKIRK
ON THE SITE OF SEVEN OAKS
WHERE FELL
GOVERNOR GENERAL ROBERT SEMPLE AND
TWENTY OF HIS OFFICERS AND MEN
JUNE 19, 1816
Malheureusement cette colonne paraît bien négligée et ses alentours sont sans aucun entretien. On dirait que le Winnipegois moderne ne connaît pas l’histoire de sa patrie, ou s’en préoccupe fort peu.
Le lecteur devine les suites immédiates de cette bataille, où presque tous les coups mortels furent du même côté, puisque les métis n’eurent qu’un des leurs de tué et un de blessé. Le fort Douglas passa entre les mains de la Compagnie du Nord-Ouest, et la colonie fut détruite. La conséquence ultime fut que, cinq ans après (26 mars 1821), les deux compagnies se fusionnèrent pour former une nouvelle corporation sous l’ancien nom de Compagnie de la Baie d’Hudson.
En attendant, les métis chantaient victoire, et l’un d’eux, un barde illettré du nom de Pierre Falcon, voulut même laisser à la postérité le souvenir de la mémorable journée au moyen d’une « chanson de vérité ». Je ne céderai pas à la tentation de reproduire ce document qui, malgré l’extrême crudité du style, n’en est pas moins remarquable comme étant le produit d’un individu moitié sauvage, qui ne savait ni lire ni écrire. Une strophe et demie suffira pour donner une idée du genre de littérature auquel la chanson appartient.