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daient grâce. On cite en particulier le cas d’un capitaine Rogers, qui fut tué de cette manière par un métis écossais du nom de McKay. Pour l’honneur du nom français, aucune des dépositions sous serment qui furent faites plus tard devant les tribunaux du Canada ne met positivement pareil méfait sur le compte de Canadiens ou de métis français[1].

Au contraire, comme un certain John Pritchard se trouvait au plus fort de la mêlée et s’attendait à chaque instant à partager le sort de ses malheureux compagnons, il aperçut un Canadien du nom de Lavigne, qu’on avait enrégimenté de force au fort Brandon.

« Lavigne, s’écria-t-iI alors, vous êtes français, vous êtes un homme, un chrétien. Pour l’amour de Dieu, sauvez, ma vie. Je me rends, je suis votre prisonnier. »

McKay, le fils d’un colonel, intervint encore et voulut reproduire sur lui l’acte de barbarie dont il venait de se rendre coupable. Mais Lavigne l’en empêcha avec beaucoup de peine et en recevant lui-même plus d’un horion. Comme on emmenait le prisonnier du côté de Kildonan, on voulut encore s’en débarrasser d’un coup de fusil ; mais Boucher, le parlementaire dont nous avons déjà parlé, lui sauva la vie. C’est Pritchard lui-même qui fournit ces détails dans sa déposition[2].



Telle fut la fatale rencontre connue parmi les Canadiens sous le nom de « bataille de la grenouillère » et appelée Skirmish of Seven Oaks par les historiens anglais. Le premier nom lui vint d’une espèce de bas-fonds sur les bords duquel Semple et le plus grand nombre de ses compagnons tombèrent. La seconde désignation est sans doute due au fait que sept chênes devaient alors se dresser dans les environs.

  1. Un métis du nom de Primcati voulut pourtant tuer Pritchard, parce que, disait-il, celui-ci avait tué son frère. Mais il en fut empêché. Un des témoins du procès qui s’ensuivit, nommé Huerter, accuse aussi un F. Deschamps de cruauté sur le champ de bataille ; mais ses dires ne sont basés que sur le témoignage de la voix publique.
  2. De plus, après l’attaque injustifiable du 25 juin 1815, le défenseur du fort Douglas eut recours aux Canadiens et aux métis français pour en réparer les dégâts et le mettre en état de résistance.