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privation duquel leurs communications avec leurs quartiers généraux sur le lac Supérieur n’étaient rien moins que sûres.

Un appel fut donc fait aux différents postes de traite, et l’on rassembla dans ce but tout ce qu’on put trouver de Canadiens et de métis disponibles. Alexander Ross nous assure que les rangs de la troupe ainsi improvisée se montaient à « plus de 300 hommes armés, tous à cheval et métis pour la plupart[1]. » De fait, les traiteurs libres et les trappeurs canadiens qui formaient alors une classe à part, sentant l’orage approcher, avaient pris la direction des prairies plutôt que d’avoir à tremper leurs mains dans le sang, preuve incontestable que ceux de leurs compatriotes qui le firent obéirent simplement aux ordres de leurs maîtres. Aussi le chiffre de Ross me paraît-il non seulement exagéré, mais absolument impossible (à moins d’aller très loin), puisqu’on n’en était encore qu’à la première génération métisse. L’abbé Dugas, qui a eu accès à des sources d’information inconnues aux historiens anglais, évalue à 125 les forces totales des belligérants, comme on pourrait les appeler.

Quarante d’entre eux interceptèrent, le 12 mai 1816, un convoi de vivres composé de cinq bateaux sous les ordres d’un Canadien, Pierre-Chrysologue Pambrun[2]. Celui-ci fut fait prisonnier et longtemps gardé à vue, tandis que ses 22 serviteurs étaient libérés peu après leur arrestation. Alexander Macdonell, le principal meneur du parti du Nord-Ouest, quitta le fort Qu’Appelle vers la fin de mai, s’empara en route du fort Brandon, puis se rendit au Portage-la-Prairie, où il arriva avec son « armée » le 15 juin. Le 18, il envoya 70 cavaliers, dont six étaient de purs sauvages[3], pour attaquer le fort Douglas à la Rivière-Rouge, et détruire définitivement la colonie de lord Selkirk.

Cette petite troupe devait, paraît-il, effectuer sa jonction en aval de ce fort avec une centaine d’hommes armés et munis de

  1. The Red River Settlement, p. 34. Londres,  1866.
  2. L’abbé Dugas écrit ce nom « Pembrun ». Je l’ai toujours vu écrit avec un a dans les manuscrits du temps, et c’est ainsi que les auteurs anglais le donnent.
  3. Ross dit. « environ 65 personnes » (op. cit., p. 34) ; Hargrave « 70 ou 80 cavaliers », (Red River, p. 406), et Begg (Hist. of the N. W, I, p. 182) évalue l’ennemi à « environ 60 métis et sauvages. » Quant aux derniers, l’abbé Dugas nous assure dans L’Ouest canadien, p. 337, que « il n’y avait parmi eux que cinq sauvages » ; mais, à la p. 344 du même ouvrage, il remarque que sur les soixante-dix cavaliers « il n’y avait que six sauvages. » Comme il donne alors les noms de ceux-ci, j’ai adopté le dernier chiffre.