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qui, par sa position, était la clef du pays, et recouvra les canons et les effets que ses rivaux s’étaient appropriés.

Sur ces entrefaites, Miles Macdonell, le gouverneur d’Assiniboia, contre lequel on n’avait rien pu prouver à Montréal, était revenu à la Rivière-Rouge et, tout en restant chargé des affaires de la colonie[1], il devait maintenant céder le pas à M. Semple, nommé gouverneur-en-chef pour le département du nord de la compagnie. Tout paraissait aller pour le mieux. La confiance renaissait dans les esprits ; et pourtant un orage grondait dans le lointain qui n’allait pas tarder à éclater sur la tête de ceux-là mêmes qui s’en croyaient le moins menacés.

La Compagnie du Nord-Ouest, jusqu’alors reine et maîtresse dans ces parages, était souverainement humiliée de la perte de son fort, que Semple avait démantelé et rasé après le départ de Robertson, chargé de conduire Cameron qu’on faisait passer en Angleterre. On lui avait en outre pris le fort Pembina et fait ses habitants prisonniers ; le courrier qui portait sa correspondance avait été intercepté et ses lettres confisquées, et, ce qui était pour le moins aussi grave aux yeux de son personnel de la classe inférieure, les mesures de précaution prises par Macdonell avaient causé une insuffisance de vivres dont ses voyageurs avaient eu le plus à souffrir. Quoi d’étonnant après cela si les cœurs étaient aigris et les esprits montés au point d’être capables de tous les excès ? Il n’est que juste de tenir compte de ces circonstances si l’on veut juger sainement leurs conséquences[2].

Robertson avait même tenté de s’emparer du fort canadien de Qu’Appelle ; mais il avait dû reculer devant la défense énergique de son commandant, Alex. Macdonell. Cette tentative acheva de convaincre les Canadiens que leur position comme commerçants dans le pays était sérieusement en danger, et qu’il fallait à tout prix reprendre, ou plutôt reconstruire, le fort Gibraltar, par la

  1. Il n’est que juste d’observer ici que d’après Ross (op. cit., p. 410), Miles Macdonell avait été remplacé dans cette charge par Alex. Macdonell dès l’année précédente. Begg dit de son côté que le premier ne rentra à la Rivière-Rouge qu’après l’affaire de la Grenouillère (Hist. of the N. W., I, p. 185). S’il en est ainsi, comment se fait-il que Pritchard, qui fut mêlé à cette rencontre, dise formellement que ce fut à M. Miles Macdonell que Semple envoya demander du secours ?
  2. Il me semble que l’intéressant ouvrage de l’abbé Dugas, L’Ouest canadien, gagnerait en impartialité et partant en valeur historique s’il mettait en relief les méfaits de la Compagnie de la Baie d’Hudson aussi bien que ceux de ses rivaux.