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Lagimodière[1], comme porteur de dépêches apprenant à lord Selkirk débarqué en Amérique le sort de sa chère colonie. C’était une course de 1,800 milles en pays ennemi, à pied et au cœur de l’hiver. Son objectif était Montréal qu’il atteignit sain et sauf, mais il fut pris à son retour par des sauvages au service du fort William. Comme le noble lord lui demandait ce qu’il désirait en retour de son dévouement, le messager répondit : « Une chose seulement, c’est qu’on nous envoie des prêtres le plus tôt possible. » Pourrait-on exiger un gage plus explicite de communauté d’origine avec la fille aînée de l’Église que cette noble déclaration de l’humble trappeur canadien ?



Cependant un homme énergique et peu gêné par les scrupules — peut-être parce qu’il avait vu du service dans la Compagnie du Nord-Ouest — Colin Robertson, avait réussi à faire revenir le contingent de fermiers qui s’étaient embarqués pour le lac Winnipeg, à destination de l’Écosse[2]. Un renfort fraîchement arrivé sous la conduite d’un gentleman, nommé Robert Semple, avec lequel nous ferons bientôt plus ample connaissance, fit monter à deux cents le nombre total des colons de la Rivière-Rouge. Les récoltes furent bonnes et, encouragés par l’activité de Robertson qu’on savait capable de déjouer les intrigues de l’opposition, les pauvres fermiers pouvaient sentir renaître dans leurs cœurs l’espérance de jours meilleurs.

Robertson crut pouvoir recourir aux moyens illégaux de ses adversaires. Le 17 mars 1816 il fit arrêter Duncan Cameron, commandant du fort Gibraltar situé dans l’angle septentrional formé par la jonction des deux cours d’eau, homme sans scrupules qui avait jusqu’alors été l’âme et l’inspirateur de toutes les intrigues contre la colonie et ses protecteurs, les gens de la Compagnie de la Baie d’Hudson. De plus, il s’empara de son fort

  1. L’abbé Dugas écrit son nom Lajimonière. (L’Ouest canadien, pp. 305-06}}.
  2. Ce Colin Robertson avait tout récemment amené 20 Canadiens de l’est, en sorte que, même en ne parlant que des efforts systématiques de lord Selkirk et de ses agents, il n’est pas correct de dire que la colonie qui en résulta fut exclusivement écossaise. En outre des Écossais qui étaient en majorité, elle contenait des Irlandais et des Canadiens. Elle devait bientôt compter des Allemands, des Suisses et des Italiens dans ses rangs.