la saisie des postes de la compagnie rivale, qui, aurait-il déclaré, n’avait pas droit d’existence sur les terres de la Compagnie de la Baie d’Hudson, ce en quoi il est difficile de croire qu’il ait eu raison.
C’était en outre fournir d’excellentes armes à ses adversaires. Ils furent prompts à les ramasser. Il n’est guère de moyens qui leur parussent trop bas pour enrayer le mouvement de colonisation et décourager les immigrants. On leur tint constamment présent à l’esprit le spectre des sauvages prêts à fondre sur eux ; on séduisit les principaux colons par de belles paroles et en faisant luire l’or à leurs yeux. Pendant l’absence momentanée du gouverneur, on fit enlever neuf pièces de canon appartenant à Lord Selkirk et qu’on gardait au fort Douglas, érigé à peu près un mille plus bas que les « Fourches », pour protéger les fermiers échelonnés le long de la Rivière-Rouge.
On fit plus. Le gouverneur lui-même fut arrêté et envoyé prisonnier au Canada. Puis le fort Douglas fut attaqué, 25 juin 1815[1], par des métis soudoyés par la compagnie canadienne, et quatre personnes y furent blessées, dont une mourut le lendemain. Enfin, les colons à bout de patience et craignant pour leur vie finirent par consentir à se laisser déporter les uns au Canada, les autres en Écosse. Après quoi leurs demeures furent incendiées, et il ne resta plus rien de l’œuvre philanthropique de lord Selkirk.
M. l’abbé G. Dugas a admirablement fait ressortir l’odieux du rôle joué par la Compagnie du Nord-Ouest dans cette triste année 1815.
C’est dans l’adversité que se révèlent les vrais amis. Aussi sommes-nous heureux de pouvoir rattacher à cette époque un acte de dévouement d’un Canadien qui rachète en quelque sorte les défaillances de certains de ses compatriotes dans ces temps critiques. Je veux parler du grand voyage que fit Jean-Baptiste
- ↑ L’abbé Dugas rattache cette attaque à la date du 11 juin, et ajoute que quelques jours après les hostilités recommencèrent (L’Ouest canadien, pp. 29-99). Mais le Dr Bryce a depuis publié le journal de John McLeod, le défenseur principal de ce fort, qui en met la date au 25 juin (History of the H. B. Co., pp. 221 et seq.). Le fort Douglas se trouvait sur la rive gauche de la Rivière-Rouge, non pas la rive droite, comme l’écrit par inadvertance l’abbé Dugas (Monseigneur Provencher, p. 71), un peu en amont de la langue de terre appelée aujourd’hui la Pointe Douglas.