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difficulté, lever un corps d’élite de 700 à 800 hommes, et, aidés d’un nombre égal d’Américains qui, au premier succès, se triplerait facilement, ils seraient parfaitement invincibles, d’autant plus que leurs frères d’origine mi-anglaise (et mi-indienne comme eux), avec lesquels ils avaient toujours vécu dans la plus cordiale harmonie, ne seraient nullement pressés de les attaquer. Les mille voix de l’opinion publique et les cris de la presse américaine (qui seraient censés faire écho à ceux de la population indigène) forceraient (?) alors la main aux autorités de Washington, et le but secrètement caressé serait vite atteint.

Mais la coopération des métis français était une condition sine qua non de succès. Les féniens qui, après tout, n’étaient dans cette question que l’avant-garde du peuple américain, voulurent s’en assurer.

À cet effet, ils dépêchèrent un courrier à l’un de ceux qui s’étaient montrés les plus actifs dans les derniers troubles et qui avait tout particulièrement à se plaindre des troupes, ce même André Nault dont nous avons déjà parlé[1]. C’était vers la fin de septembre 1871. Ce courrier était porteur d’une lettre de convocation à une entrevue sur le territoire américain. Fort perplexe, Nault alla trouver Louis Riel et lui demanda conseil. Celui-ci lui dit d’accepter l’invitation, afin de s’assurer des plans réels des étrangers.

Nault partit de suite, et rencontra à Pembina O’Donoghue qui le conduisit avec trois autres individus à une place située à 7 milles de là. Ils furent alors rejoints par trois officiers féniens « superbement harnachés », dit M. Nault, qui firent route avec eux jusqu’au rendez-vous, chez un nommé Charles Grant, à 18 milles de l’embouchure de la rivière Pembina.

Le lendemain, un grand conseil fut tenu, et les féniens dévoilèrent leurs plans qui étaient de « massacrer ceux qui étaient hostiles aux métis, moyennant le concours de ceux-ci ». Nault trouva la proposition un peu raide. Il ne put non plus s’empêcher de soupçonner quelque exagération dans le chiffre de 3,500 qu’on lui donna comme étant celui des hommes qui s’étaient déjà enrôlés pour la campagne qu’on se proposait d’entreprendre « moyen-

  1. Lequel était Canadien, et non métis comme je l’ai dit précédemment d’après tous les auteurs qui l’ont mentionné.