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d’un usage courant dans les diverses branches des mathématiques appliquées, grâce à laquelle on peut parfaitement n’établir qu’une seule théorie « pour les Esquimaux ou les Africains ».

À propos de l’objection à l’emploi des mathématiques en économie politique, tirée du fait de la complexité des phénomènes étudiés, nous nous bornerons à rappeler ici que c’est justement cette complexité qui a nécessité la mise en œuvre de l’appareil mathématique, tout en nous réservant d’examiner par la suite dans quelle mesure les économistes mathématiciens ont triomphé des obstacles.

Quant à la difficulté d’avoir des prémisses rigoureusement déterminées, c’est encore par suite d’une conception trop étroite de l’usage des mathématiques qu’on a pu la considérer comme une entrave à leur emploi en économie politique. Si certains auteurs se sont figuré que « l’emploi des signes et des formules ne pouvait avoir d’autre but que celui de conduire à des calculs numériques »[1], de telle sorte qu’il ne soit possible de calculer que sur des données précises, c’est qu’ils se sont laissé abuser par l’expression de sciences exactes sous laquelle on désigne parfois les sciences mathématiques par opposition aux sciences morales. « Mais les personnes versées dans l’analyse ^mathématique savent qu’elle n’a pas seulement pour objet de calculer des nombres ; qu’elle est aussi employée à trouver des relations entre des grandeurs que Tonne peut évaluer numériquement, entre des fonctions dont la loi n’est pas susceptible de s’exprimer par des symboles algébriques »[2]. En réalité il n’y a pas de science « exacte »

  1. A. Cournot, Recherches… [p. 76], préf. p. xii.
  2. Ibid., p. viii, — Voir sur ce point F.-Y. Edgeworth, Mathematical psychics…[p. 119], pp. 1-7 et App. I (On unnumerical mathematics).