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soutenir à l’inverse que, quels que soient les symboles qui lui donnent un caractère particulier, ce que l’on a parfois appelé la méthode mathématique est foncièrement identique à la méthode déductive ordinaire. Cependant, tandis que pour poursuivre depuis les prémisses jusqu’à la conclusion un raisonnement un peu compliqué avec les seules ressources dont dispose l’esprit, il faut passer par toute une série de considérations intermédiaires qui, d’une part, diffusent inutilement les idées et par là s’opposent à toute vue d’ensemble, et, d’autre part, sont susceptibles d’égarer cet esprit — et dans tous les cas lui rendent inaccessible l’analyse des phénomènes qui sont rattachés les uns aux autres, non par des rapports de cause à effet, mais par des liens de mutuelle dépendance —, les procédés mathématiques permettent au contraire fréquemment de passer directement, avec la plus grande simplicité, des prémisses aux conclusions. « Non seulement » en effet « les mathématiques par leurs signes, par leurs figures donnent un corps, une forme à des idées abstraites, et appellent ainsi les sens à concourir à la puissance intellectuelle de l’homme, mais leurs formules saisissent ces idées, les modifient, les transforment et en expriment tout ce qu’elles contiennent de vrai, de juste et d’exact, sans que l’esprit soit obligé de suivre les mouvements de tous ces rouages dont la marche a été réglée une fois pour toutes »[1], de telle sorte que leur emploi dispense de reproduire, à propos de chaque cas particulier, l’enchaînement des idées qui s’adapte à tous les cas semblables. Eh bien ! c’est l’ensemble de ces raisonnements condensés (comparables] aux associations d’idées qui nous permettent d’interpréter instantanément, pour

  1. Dupuit, De la mesure… [p. 80], p. 375 note.