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Ayant ainsi indiqué la substance des Éléments, il ne nous reste plus à dire que quelques mots de leur composition.

Cette composition participe tout à la fois du désir d’offrir une étude aussi claire que possible — au risque de paraître long — des fondements de la science économique et de celui de faire aboutir cette étude à la justification de la supériorité pratique de la libre concurrence. Aussi présente-t-elle un curieux mélange de théories mathématiques et de considérations morales ou sociales — ou même métaphysiques — car l’auteur des Éléments n’est jamais parvenu, semble-t-il, à se libérer complètement de certaines préoccupations des économistes littéraires, telles, par exemple, que la recherche des causes lorsqu’il s’agit de phénomènes interdépendants.

Mais les digressions, encore qu’elles masquent parfois les résultats obtenus, n’ont nui en aucune mesure à l’édification régulière, qui s’est poursuivie normalement à côté d’elles, ou même malgré elles, de la théorie de l’économie pure. Walras ne s’est jamais cru lié dans ses développements par telle distinction entre l’art et la science établie au début de son ouvrage pour des raisons d’opportunité, et, à côté de la recherche de la cause de la valeur, il n’a pas hésité à montrer, le premier, la multiplicité des facteurs dont elle dépend. Son esprit hautement scientifique a toujours su dominer ses tendances pratiques, et c’est pour cette raison qu’il a laissé une œuvre dont, selon l’expression de l’un de ses critiques aussi sévère qu’autorisé, on peut dire, comme Napoléon de ses victoires : « Il y a là du solide que la dent de l’envie ne peut ronger ».