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Comme Bastiat et bon nombre d’économistes anglais, Jevons est parti de ce principe que la théorie de la valeur est l’essence même de la science pure, mais, sans s’arrêter à l’affirmation de Mill que tout était dit sur cette théorie, il a entrepris de l’édifier sur une base qu’il considérait comme nouvelle. Au lieu de rechercher l’origine, voire la cause, de la valeur dans le travail de production, comme la plupart de ses prédécesseurs — notamment Mill et Ricardo, auxquels il a fait, à tort ou à raison[1], le reproche de ne s’être pas rendu compte que le coût de production n’est pas l’élément fondamental de la détermination des prix, — il s’est attaché, sous l’influence de Bentham, Senior, Jennings, etc., à montrer que cette valeur ne dépend que de l’utilité des produits. Par suite, sa Theory of poilitical economy n’est pas, à proprement parler, autre chose qu’un exposé, sous une forme plus ou moins mathématique ; des principes de la science économique à partir de la seule notion d’utilité. D’après ce que nous avons vu précédemment, ce n’était évidemment pas là un point de départ aussi nouveau que Jevons se l’était tout d’abord imaginé ; puisque, ainsi qu’il a été le premier à le reconnaître ultérieurement[2], Gossen l’avait tout à fait devancé quant aux principes et à la méthode de l’Économique, mais l’économiste anglais n’en a pas moins eu le mérite de l’originalité. En effet, lorsque, en 1862, il présenta une première esquisse de sa théorie au congrès de Cambridge de la British Association[3], non

    été traduit en français, sous le titre Théorie de l’économie politique, par MM. H.-E. Barrault et Maurice Alfassa, au travail de qui nous nous référerons.

  1. Voir sur ce point A. Marshall, Principes… [p. 100], LV, ch. xiv, §§6 et 7.
  2. Théorie, préface de la 2e édition, p. 32.
  3. Le compte rendu de cette communication a été publié par le