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jamais soupçonné l’existence de cette petite clairière tranquille, où l’on est, à deux pas de l’allée, à l’abri de toute indiscrétion.

— Ni moi, répondit Raymonde. L’endroit est charmant… et d’une fraîcheur ! Va, je profiterai de la découverte et je m’en souviendrai quand l’envie me prendra de me reposer à l’ombre. Entends-tu la musique du ruisselet, là-bas ?…

— Oui, dit la gamine, on dirait le bruit que fait petit père, le matin, quand il se gargarise le gosier dans son cabinet de toilette….

— Es-tu méchante, sœurette ! Si c’est là toute ta poésie…

— Non, Raymonde, le ruisselet a un murmure charmant, l’ombrage de ces arbres est plein d’une douce fraîcheur, la pelouse est gaie à l’œil. Je vois parfaitement tout cela, mais je l’apprécie si peu que point. Vois-tu, rien de tout cela ne vaut une bonne partie de crocket ou une course au cerceau…

Et joignant la pratique à cette théorie si naturelle de sa part, la gamine espiègle embrassa Raymonde et disparut en courant :

— Reste ici, grande sœur, puisqu’on y est si bien. Je viendrai t’y chercher quand je serai fatiguée.

Mlle Dubreuil trouva l’idée heureuse : elle ouvrit un volume qu’elle avait apporté à tout hasard et se mit à lire.

L’histoire l’intéressait, sans doute, car, absorbée, elle n’entendit pas s’approcher deux hommes qui causaient, et qui se trouvèrent au milieu de la clairière sans qu’elle eût levé la tête. C’était Fernand, accompagné du domestique qui le servait et qui venait de l’aller prendre chez le