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— Ah ! tu n’es pas gentil. Je t’enlève ton journal pour que tu laisses la politique en repos et voici que ton premier mot est pour en reparler ?

— Au fait, tu as raison, ma chérie. Que peut bien nous faire la proposition de M. le sous-préfet et la suppression de tous les Goblet de France !… Pardon, c’est le contraire que je voulais dire : la proposition de M. Goblet et la suppression des sous-préfets….

À cette distraction, la belle humour avait repris de plus belle et l’on riait encore que déjà le train filait à travers les premiers villages champenois.

M. Dubreuil se mit à parler de la Champagne, de ses vignobles immenses, de ses vins pétillants. Mais comme il en était au beau milieu de ses explications sur la fabrication des vins mousseux, le train s’arrêta et le garde, longeant le quai de son pas uniforme, se mit à crier d’une voix nasillarde et traînante :

— Épernay ! Dix minutes d’arrêt ! Buffet !

— Tiens, une idée ! dit M. Dubreuil. Puisque nous parlions de vin mousseux, l’occasion serait excellente de joindre l’exemple au précepte, comme on fait dans la grammaire, et de boire un verre de Champagne. Personne sans doute ne s’avisera de venir nous déranger en s’installant auprès de nous : je cours au buffet et je reviens…

Mais comme il reparaissait sur le quai, rapportant une demi bouteille carte d’or et une flûte, il eut une vive contrariété. Ce coupé où il était resté jusque là si tranquille, seul avec ses filles, un jeune homme l’escaladait, aidé, soutenu plutôt par un grand gaillard de laquais, chargé de fourrures et de couvertures de voyage. Quel ennui !… En repre-