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les médecins renonçaient à le guérir, aussi péniblement que s’il se fût agi d’une personne qui m’était chère. Mais je ne t’avais pas dit son nom, je crois, ma chère Rose. Il s’appelle Fernand, Fernand Darcier. Trouves-tu ce nom gentil, et ne penses-tu pas qu’il ferait bien à porter ?…

« Ne crains rien, va, ma toute bonne, je ne veux pas te faire languir. Le hasard d’un tête à tête avec Fernand m’a révélé, un beau jour, l’origine du sentiment qu’il m’avait inspiré à première vue : inquiète d’abord et effrayée, je me suis raisonnée ensuite et j’ai combattu, cherchant à redevenir maîtresse de mon cœur. En vain : l’évidence était là, et la voix secrète qu’en entend vibrer au plus intime de son être me criait : Tu l’aimes ! à chaque effort que je tentais pour me faire illusion. De son côté, le jeune homme m’aimait : encore ne pouvais-je le soupçonner, quand j’appris tout à coup qu’il venait de faire faire une démarche auprès de mon père pour obtenir ma main.

« Tu sais, Rose, combien j’aime mon père et quels supplices j’endurerais avec joie pour lui éviter la moindre peine. Quand je sus que cette idée de mariage ne lui agréait pas, ce fut moi qui courus au-devant de son désir, pour le prier de décliner la proposition qui lui avait été faite à mon sujet. Pense ce que j’ai dû souffrir : le docteur répondait de la radicale guérison de Fernand, je croyais fermement en la parole du docteur, et j’eus le courage de laisser croire à mon père que je refusais l’alliance qui m’était offerte, dans la crainte du risque grave que ferait courir, à celle qui accepterait de porter son nom, la maladie dont était atteint M. Darcier. Cette déclaration, qui faisait le bonheur