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ou d’une promenade : non ; c’était la vision nette d’un visage connu, des traits d’une personne avec laquelle on a entretenu longtemps des rapports familiers.

— Où diable ai-je vu cette mégère ? se demandait Fernand…

Mais le président de la Cour venait de donner la parole à la défense, et Me Meunier commençait sa plaidoierie. Il serait bref. Il n’entreprendrait pas la tâche vaine d’excuser le crime abominable dont avait à répondre la Zanetta. Il n’essaierait même pas d’écarter le fait de la préméditation, qu’elle avait avouée d’ailleurs. Mais il dirait à la Cour quelle malheureuse était cette femme sur le sort de qui on allait statuer.

— Une bohémienne !… Née de parents vagabonds, jetés eux-mêmes par une loi terrible d’hérédité hors les règles de la vie sociale, vivant en parias du produit des rapines et des vols qui seuls pouvaient subvenir aux besoins de leur horrible existence…

La Zanetta paraissait indifférente au dévoûment dont l’habile avocat faisait preuve en acceptant la tâche difficile de la défendre. Même, elle semblait désirer que tout le monde vît cette indifférence, car détournant les yeux du banc où se tenait son défenseur, elle se mit à faire attentivement l’inspection de la salle, un éclair fugitif de satisfaction brillant dans son œil noir quand elle avait réussi à faire baisser les yeux curieux qui la dévisageaient.

Un moment encore, et Fernand allait la revoir de face, toujours impatient, d’ailleurs, de ne savoir démêler les souvenirs qu’avait ressuscités en son esprit la physionomie de la criminelle.

— Je l’ai connue, se disait-il, je la connais… Où donc l’ai-je vue ?…