Page:Moressée - Un mariage à Mondorf, 1887.djvu/259

Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 255 —

camp dans le pays, exerçait, autour de ses agissements, une surveillance sévère. Cependant, aucune plainte ne s’était, encore produite, et la population, méfiante d’abord, finit par accepter le voisinage des bohémiens. Même les fillettes et les garçonnets du village s’aventuraient du côté des voitures qui leur servaient d’habitation, intéressés au spectacle de cette communauté hétéroclite, faisant ménage en plein air, parlant une langue étrange, dont on ne comprenait pas un mot.

La Zanetta surtout attirait leur attention. Toujours assise à l’écart, et couvrant de son grand œil noir les membres de cette grande famille de hasard, elle paraissait recevoir d’eux, comme une chose due, des égards très marqués. Les gamins du village, quand ils voulaient se la désigner entre eux, l’appellaient d’un commun accord : la Reine.

C’était d’ordinaire à l’heure de midi, entre le dîner et le retour à l’école, qu’ils allaient la voir, assise sur un panier renversé qui lui servait de trône, diriger les mouvements de sa troupe, donnant çà et là un ordre bref, appelant d’un geste, pour lui parler, quelque bohémien qui s’empressait d’accourir. Ils assistaient au repas de la tribu, regardant curieusement hommes et femmes s’étendre tout de leur long sur le gazon et commencer la méridienne. Seule « la Reine » ne se couchait pas, restait immobile sur son panier et veillait.

Or, un jour, deux fillettes seules vinrent se placer au poste d’examen accoutumé…

Quand toute la bande parut endormie, comme elles allaient retourner au village, elles virent — chose inouïe jusqu’alors — la Reine quitter son panier, se lever et venir vers elles. D’abord elles