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S’exécutât, il y consentit. Mais que chanterait-il ? Son répertoire était assez varié, mais en ce moment rien ne lui venait à l’esprit… Soudain, la voiture sortant du bois, le paysage changea brusquement. On grimpait maintenant un mamelon assez rude, au sommet duquel le mur d’un cimetière traçait une ligne blanche sur l’horizon bleu.

Cette brusque vision rappela à l’esprit de Fernand le thème d’une mélancolique prière. Il chanta :

Dans le cimetière aux murs blancs
Où ne repose encore personne
Ont poussé des blés opulents,
Et pour le pauvre on y moissonne…

La voix du jeune homme était puissante et vraiment harmonieuse. Sans effort apparent, il chantait avec une ampleur faite pour étonner. Tout à la poésie de son chant, du reste, ne voyant plus même Raymonde, sur le siège vis-à-vis, qui, toute troublée, était suspendue à ses lèvres…

Seigneur, quelque jour dans ces murs
On moissonnera pour vos granges :
Nos morts seront les épis mûrs,
Les moissonneurs seront vos anges.

Venus de votre ciel d’azur,
Ils feront la récolte humaine,
Gardant pour vous le froment mûr
Et jetant la stérile graine…

M. Dubreuil était profondément ému. Une larme rebelle roulait sous la paupière de Raymonde… Et Fernand, sans rien voir, continuait sa prière, laissant percer, à travers le chant dont son harmonieuse