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s’acquitter d’un coup de la dette qu’il avait contractée envers elle. Car il n’hésiterait pas. Il irait droit à M. Dubreuil et lui dirait : « J’aime votre fille. Voulez-vous un fils ? » Et bravement il mettrait dans sa main la main de Raymonde, et la guiderait dans le chemin de la vie.

« J’aime votre fille !… »

Oui. Mais quel trouble étrange l’envahissait soudain, et d’où surgissait tout à coup ce doute cruel qui le faisait souffrir ? Raymonde peut-être ne l’aimait pas ! De quel droit allait-il voir dans les actes et les paroles de la jeune fille des choses qui ne s’y trouvaient pas ? Elle avait compati à ses souffrances. Cela prouvait seulement qu’elle avait l’âme charitable. Elle lui avait dit de douces paroles d’espoir. C’est qu’elle était bonne et douce elle-même ; c’était même peut-être pure politesse, de sa part. L’affabilité est la distinction des demoiselles bien élevées…

Où trouvait-il en tout cela l’indice d’un secret penchant ? N’était-ce pas insulter Raymonde que lui prêter des sentiments qu’elle était peut-être fort éloignée de ressentir ? Pauvre fou qui, n’écoutant que son cœur, se croyait si tôt parvenu au bout de ses peines ! Mais c’était là, l’obstacle : Raymonde ne l’aimait pas.

Même, à bien réfléchir, elle ne pouvait pas l’aimer. Ce qu’on lui avait caché, à lui, tout le monde le savait. Personne n’ignorait que les médecins l’avaient condamné. Quelle absurde idée de penser que mademoiselle Dubreuil irait aimer un incurable !

C’était la désillusion pleine d’amertume. Fernand souffrait, sous le coup d’un profond chagrin, se prenant à regretter les mauvaises heures d’autrefois, dont son rêve du moins le consolait. De nouveau son