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plutôt de lui accorder une profonde commisération. Lui non plus, à tout considérer, n’avait pas mérité d’être déçu dans son dessein. Il était malade, oui bien ; mais il croyait à un mal passager, dont son séjour à Mondorf le délivrerait définitivement. Lui avait-on jamais parlé, à lui, de cette condamnation prononcée en secret par les médecins qui avaient été impuissants à le guérir ? Au contraire, le docteur Petit ne l’encourageait-il pas chaque jour à souffrir patiemment, en lui montrant, au bout de son abnégation, le retour à la santé qui l’en récompenserait ?

Riche, convenablement apparenté, en bonne place dans la société, valant par lui-même et, sauf la santé, vraiment fort bien de sa personne, il avait distingué Raymonde Dubreuil. Il se berçait peut-être de l’espoir de s’unir, de se consacrer à elle : il s’était pris d’affection — disons tout, mon Dieu ! — il s’était pris d’amour pour elle. Où était le crime ?

Il n’y en avait pas, bien certainement. Mais hélas ! il y avait pis : une fatalité. Il était atteint d’une maladie incurable ! Raymonde ne pouvait répondre à ses honorables sentiments, à ses touchantes intentions. Raymonde ne consentirait jamais à désobéir à son père : déterminée à se sacrifier aux susceptibilités de M. Dubreuil, elle ferait complète abnégation d’elle-même, de ses préférences, de son amour même, si l’amour persistait à vouloir germer dans son âme. Cela n’irait pas sans un vif chagrin, peut-être même pas sans une douleur véritable : mais cette douleur, elle saurait la supporter. Tout, d’ailleurs, elle souffrirait tout plutôt que d’infliger la moindre peine à son père. Elle se dévouerait !…

C’est beau, le dévouement ; mais ce serait dur