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— C’était jeudi… comme avait dit le major.

Ce jour là d’ordinaire, les changements de toilette réclamaient le temps du colloque qui prolongeait la conversation du souper. Bientôt le salon fut à peu près désert. Cependant, dans l’embrasure de la fenêtre ouverte, par où soufflait doucement la tiède haleine de la soirée splendide, Fernand Darcier était assis et rêvait. Raymonde, prise d’un profond sentiment de commisération à la vue de ce pauvre délaissé, le seul qui fût resté triste dans la joie générale, s’approcha de la fenêtre, le salua poliment, s’informa de sa santé…

Fernand avait remercié, affirmant se sentir mieux de jour en jour et ne pas désespérer d’être remis bientôt. Puis, en s’excusant de son indiscrétion, il avait demandé à Raymonde si elle s’était amusée à la fête de gymnastique de l’après-midi. Alors, l’excellente fille, approchant un siège, avait raconté la fête par le menu. Tandis qu’elle détaillait, s’égarant dans ses explications, les dernières personnes qui se trouvaient au salon s’étaient retirées ; Marcelle, assise sous le lustre, feuilletait un livre d’illustrations oublié sur la table. Et Raymonde alors parlait du speech prononcé par son père et du succès mérité qu’il avait obtenu…

Soudain, M. Dubreuil entra. D’un coup d’œil, il embrassa la scène. Son sourcil se fronça. Il se sentit saisi comme d’un éblouissement.

— Raymonde ! fit-il d’un ton impératif, qui ne souffrait pas de réplique.

La nuance de gronderie, de réprimande, de blâme que comportait cet appel laconique, n’échappa point à la jeune fille. Elle en fut surprise et blessée. Pourquoi cette injonction si brusque et si sèche ?