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en donner une interprétation correcte ; ce n’était plus même une artiste digne d’un auditoire d’élite ; c’était l’incarnation même du génie de la musique, c’était une Muse devant laquelle on n’avait qu’à s’incliner, pâmé d’admiration.

Fernand relut son élucubration, la trouva parfaite et, l’ayant glissée dans une enveloppe, accompagnée de quelques mots d’introduction, y inscrivit l’adresse du rédacteur d’un des journaux de la ville.

Ce fut, le lendemain, comme une révolution qui se produisit parmi les baigneurs à l’arrivée du journal qui avait reproduit le compte-rendu de Darcier. On s’enquit de toutes parts du nom de l’auteur, et sans y parvenir, car la lettre, signée du cliché banal : « Un baigneur », ne donnait aucun indice qui permît de découvrir une piste quelconque.

Dans d’autres circonstances, on eût attribué le factum à la rédaction même du journal : qui ne sait qu’en province la pénurie des informations oblige les rédacteurs à en forger de toutes pièces, en les signant d’un pseudonyme quelconque ? Mais, dans le cas présent, conclure ainsi n’était point possible. Personne, absolument personne n’avait assisté au concert, qui ne fût inscrit sur le livre de séjour de l’établissement…

Il ne vint à l’idée d’aucun de ceux qu’intriguait le mystère, de songer un seul instant à Fernand qui, ne s’étant jamais mêlé à la société, ne pouvait évidemment être confondu avec le dithyrambique correspondant de la feuille luxembourgeoise.

Cependant, Raymonde, à qui l’on s’était empressé de montrer le journal, était grandement peinée de ce brutal éloge. Sa modestie en était toute déchirée, et elle n’était pas loin d’attribuer l’origine de l’article