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à la guérison. Mais ce qu’il n’avait pas dit, le malade l’avait deviné, et cette secrète intuition l’avait fait énormément souffrir.

Le bon sens le plus élémentaire condamnait son amour, lui faisait un devoir de renoncer à l’entretenir dans son cœur, mais comment l’en arracher ? Comment distraire son âme, fût-ce un seul instant, de l’idée obsédante qui s’en était emparée ? Tous les plaisirs, les exercices ou les occupations qui auraient pu y réussir, si la volonté lui fût venue d’essayer, lui étaient interdits tout aussi bien. Ce concert, qui s’achevait là bas et qui était une fête pour tout le monde, il était condamné à ne l’entendre que de loin, à l’abri des regards de tous ces gens heureux que sa présence gênerait. La petite fête intime, qui devait se donner le soir au Kursaal, il devait renoncer à y paraître pour ne pas provoquer un éclat, et laisser les autres y prendre part tandis qu’il souffrirait, lui, seul dans sa chambre, sans une consolation !…

Et cependant qui, plus que lui, avait un titre sérieux à se trouver ce soir au Kursaal, et plus de droit à conduire Mlle Dubreuil en un tour de valse, les mains enlacées ? Personne, et lui seul cependant n’y serait pas !…

Ces réflexions avaient arraché au pauvre garçon des larmes amères et des sanglots qu’il ne pouvait retenir davantage. Sa physionomie en était encore toute bouleversée lorsque l’heure fut venue de rentrer à l’hôtel : Marcelle, qui arrivait par l’allée comme il venait de s’y engager, le remarqua et le lui dit.

— Vous avez pleuré, Monsieur Darcier, vous êtes tout triste et l’air désolé. Pourquoi vos amis vous laissent-ils ainsi seul, abandonné à vous-même et sans un encouragement ?