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l’ami du père, et faites-moi le plaisir de me venir voir un des plus prochains jours. Mon presbytère est quelque peu en désarroi et ressemble souvent à une hôtellerie : mais le jour où vous y viendrez, j’en réserverai un petit coin dont je vous ferai les honneurs.

M. Dubreuil était confondu par tant d’amabilité et de bonne grâce :

— Vous êtes mille fois trop bon, monsieur l’abbé, dit-il, et je veux vous prouver, dès demain, que je suis vivement touché de votre généreuse invitation.

On se sépara sur ces mots. Là bas, la deuxième partie du concert commençait, au moment même où Fernand Darcier s’asseyait sur son banc solitaire. De tous côtés autour de lui partaient de joyeux éclats de voix, les promeneurs qui étaient à quelques pas de là ne soupçonnant pas sa présence.

Il écoutait leurs réflexions sans les comprendre ; il écoutait machinalement aussi les accords de l’orchestre, l’esprit absorbé par d’autres pensées. Raymonde !… C’était elle qui, depuis des jours déjà, occupait uniquement son cœur, elle qu’il avait aimée tout à coup à l’heure de leur dernière rencontre. Il la revoyait, avec une si incroyable précision de détail qu’on eût dit d’une hallucination, appuyée à ce même banc où il était seul en ce moment assis, élégante et svelte dans sa robe blanche ajustée au corps, sous laquelle se dessinaient les lignes de son buste délicat, souple et vigoureux. Du corsage modestement échancré émergeait la blancheur laiteuse d’un col aux fines attaches. La tête paraissait écrasée sous le poids des cheveux, nattés en épais bandeaux bruns qui descendaient le long des joues et allaient se nouer ensuite sur la nuque en une