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l’agglomération des détritus glaciaires, on aperçoit des groupes d’arbustes qui fourniront aux futurs colons d’abondant combustible. Nous rencontrons quelques milliers de têtes de bétail appartenant à la Compagnie anglaise citée, qui descendaient des plaines de l’ouest et cherchaient un abri dans les prairies voisines de la lagune, mais nous n’avons pas vu un seul homme. L’exploitation de pareils terrains n’est pas chère dans ces conditions-là, mais elle ne favorise guère l’industrie humaine.

Dans ces pampas d’Esguel, nous retrouvons de nouveau le divortium aquarum interocéanique, toujours produit par la cause déjà citée : l’action glaciaire. Ici aussi, les eaux qui descendaient de la Cordillère vers l’Atlantique se sont vues obligées à chercher une issue par le Pacifique, à la suite de l’obstruction de leurs canaux naturels par les immenses moraines qui couvrent aujourd’hui la contrée. Le grand glacier de l’ouest, se frayant un passage entre les gorges des montagnes qui précédent le premier plissement longitudinal parallèle au chaînon central andin, a recouvert de ses moraines toute la vallée entre le nord d’Apichig et le Mont Thomas, comblant cette dépression avec d’autres branches du glacier disparu du Tecka. Dans la relation de mon voyage de 1880, j’ai mentionné cet énorme dépôt glaciaire et l’intéressante moraine frontale du Tecka, au point de convergence des deux cluses : celle d’Esguel et celle de Tecka. Les monticules glaciaires augmentent en altitude vers le sud, en face de la gorge de l’ouest.

Après avoir cheminé plus de vingt kilomètres à travers une plaine à peine ondulée où, sans instruments de précision, il n’est pas possible de déterminer où commencent les cours d’eau qui se rendent au Pacifique et ceux qui sont tributaires de l’Atlantique, plaine où l’on chercherait en vain ce qui pourrait être considéré comme une « croupe andine diviseur des eaux », on descend la grande moraine frontale par la gorge ou l’ouverture (abra) d’Esguel (col — boquete — d’après la carte de M. Fischer) et on arrive à une autre terrasse de l’ancien lac disparu dont le lit est occupé à l’ouest et au sud-ouest par la Colonie 16 de Octubre.

Dans son journal de la « Expedición exploradora del Río Palena », M. Stange dit (pag. 157) : que les montagnes situées à l’ouest et au sud de la plaine d’Esguel forment « la ligne de division entre les eaux chiliennes et les argentines, c’est-à-dire, entre celles qui vont au Pacifique et celles qui se versent dans l’Atlanlique ». Ce n’est pas le moment de discuter si ces eaux