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enchanteur, je dominais tout le lac, et sur une belle esplanade, j’ai déployé le drapeau argentin qui, pour la deuxième fois, reflétait ses couleurs dans les eaux et dans les glaciers andins.

Aussitôt après avoir installé le camp et avoir monté le théodolite, je reçus quelques indiens qui venaient voir le chrétien. Pour le moment, il n’y avait pas grand danger ; l’instrument leur inspirait du respect, car ils le considéraient comme une arme puissante, et, en outre, mon armée de cinq hommes montait tour à tour la garde sur la hauteur, le remington à l’épaule, car nous nous trouvions à une journée et demie des tolderias de Shaihueque. Je suis resté là jusqu’au 22 janvier, ayant effectué, le 20, une reconnaissance à la source du Limay que je connaissais depuis son embouchure dans l’Atlantique. Ce grand fleuve du sud nait à 728 mètres[1] au-dessus du niveau de la mer, et se lance avec une grande rapidité dans un canal de cent mètres de large.

Au pied de l’esplanade, où abondent les fraises, entourée de bois élevés et de la végétation qui s’étend jusqu’au lac, la rive est couverte de grands blocs erratiques mollement caressés par les eaux paisibles, mais contre lesquels se brisent avec fracas les vagues les jours d’ouragan.

Les eaux du lac sont d’un bleu obscur au centre, comme celles du lac de Genève, azurées, d’un blanc opaque, puis couleur d’argent liquide prés de la plage où miroitent les paillettes de mica et le quartz blanc cristallin.

Les petits torrents qui naissent sous bois, parmi les racines des vieux troncs et qui descendent en pente raide, servent, avec les arbres qui les ombragent, de petits enclos de propriétés où les valdiviens avaient construit leurs chaumières à l’abri des élégants maitenes.

Vers le nord-est, en suivant les rives lacustres, l’ancienne moraine s’infléchit à l’est, en laissant un marécage traversé par des rangées d’arbres. C’est une plaine sablonneuse, de formation récente, recouverte de blocs erratiques et qui s’est formée des détritus que la rivière Ñirehuau, qui la traversé, a entrainés des montagnes voisines. Cette rivière, de cinquante mètres de large, et très bien ombragée, descend d’une gorge obscure dominée par de grands rochers à pic, de deux cents mètres de hauteur, et couronnés par des cyprès pointus obscurs

  1. D’après mes observations de 1880 ; mais celles du dernier voyage, effectuées dans la station météorologique, placée sous la direction de M. Bernichan, ont donné 740 mètres.