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quelques indiens comme étant situés à environ cinq cents mètres de l’embouchure du Limav.

Cox dit que quelques indiens conservaient la tradition de chrétiens qui avaient vécu prés du lac, et pendant mon premier voyage, je tâchai de vérifier si parmi les indigènes il y avait quelque chose de plus qu’un souvenir de la mission. J’avais entendu dire qu’Inacayal gardait la cloche, mais cet indien ne sut rien me dire là dessus. Au commencement, ils niaient que les blancs eussent traversé la Cordillère, mais peu à peu ils avouèrent l’existence de la mission et l’assassinat des missionnaires ; ils me parlèrent de la tradition d’une image vêtue comme une dame, et rattachaient ces souvenirs à celui des expéditions à la recherche des Césars que, croyaient-ils, je cherchais également.

Le Père Falkner, qui n’a pas pénétré en Patagonie, parle d’une pierre qui ressemblait à une femme, et qui se trouvait prés de Tequel-Malal, et il donne ce nom à un des grands coudes que fait le Rio Negro avant de déboucher dans l’Atlantique. Je crois que Falkner prit ce renseignement des missionnaires de Nahuel-Huapi, car la figure de pierre existe réellement, mais sur la rive du Collon-Cura.

Je suis arrivé à cinquante mètres de cette pierre ; elle était entourée par les toldos ; je pus l’examiner, mais je dus aux bons jarrets de mon cheval d’échapper aux assassins, le 4 février 1876. Le Gollon-Cura est situé à mille kilomètres du point indiqué par Falkner et c’est le plus grand des affluents du Limay. Tequel-Malal n’est pas à l’encoignure signalée par le jésuite irlandais, mais bien dans la région nord du Nahuel-Huapi, auquel les indiens donnent aussi ce nom ; il est à cent cinquante kilomètres de la pierre.

Avec la ruine de la mission cessèrent les voyages des jésuites ; le champ fut occupé par les explorateurs qui sont les missionnaires de l’époque moderne. Cette ère fut ouverte par le pilote Villarino en 1782, et si ceux qui l’ont suivi sont allés plus loin, aucun ne l’a dépassé en persévérance. Il faut avoir parcouru le Rio Negro et le Limay pour admirer, comme il le mérite, ce grand voyage depuis l’Atlantique jusqu’au Collon-Cura ; depuis les tristes falaises de l’Océan jusqu’aux imposants paysages que dominent les cônes volcaniques du Quetropillan et du Villarica, le tout effectué au moyen d’embarcations pesantes, souvent remorquées à travers des difficultés de tout genre ; c’est ce qui fait que le voyage de Villarino sera toujours cité avec honneur dans la géographie argentine.