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pagné par les indiens, avec les outils nécessaires à la construction de l’église, outils qu’ils chargèrent sur leurs épaules.

La mission de Nahuel-Huapi prospéra pendant sept années ; les indiens, alors très nombreux, accueillirent bien les missionnaires, et ce fut à la fin de cette période que le Père Guillermos eut connaissance de l’existence du vieux chemin de Bariloche, déjà effacé et qui était peut-être celui qu’avait suivi le Père Mascardi dans une de ses excursions ; il tâcha de le rétablir et y réussit, frayant avec la hache et le machete (long et large coutelas) un sentier à travers le bois, vers l’ouest, tandis que le Père Gaspard López entreprenait de l’autre côté la même tâche, et avec un succèsc tel qu’en arrivant au sommet, il rencontra les marques que Guillermos avait gravées sur le tronc des arbres dans sa marche en avant. Ce travail, qui devait donner d’immenses résultats, et qui, non interrompu, aurait été la porte d’entrée de la civilisation en Patagonie, fut mal vu des indiens ; ces derniers, redoutant des agressions espagnoles, incendièrent la mission ; mais le Père Guillermos ne se découragea pas, et acheva son œuvre après trois mois de travail : les mules passaient en trois jours de Ralun a Nahuel-Huapi. La mort fut toute la récompense que reçut le missionnaire ; appelé par le cacique Manquehuanay pour confesser un malade, il mourut empoisonné par un verre de chicha (1716) qui contenait, peut-être, le même poison que, cent soixante-quatre ans plus tard et non loin de la, nous primes, mon interprète l’indien Hernández et moi, offert avec des fraises, et auquel je n’échappai qu’à grand peine, tandis que mon compagnon en succomba.

Le Père Elguea fut assassiné dans ce parage l’année suivante et son corps brûlé en même temps que l’église qu’avaient élevée ces hommes infatigables ; il paraît que dès lors Nahuel-Huapi ne fut plus habité par des blancs ; l’indien fut le seul habitant de ces terres aussi majestueuses que sauvages. Ce n’est qu’en 1792 que le Père Melendez partit à la recherche des restes de la mission ; il prit le chemin du nord, par les lacs Calbutué et Todos los Santos, longea les versants du Tronador, passa la Cordillère et, continuant au nord, arriva à un petit lac que, dans la suite, Cox appela Lago de los Cauquenes, situé au pied d’une montagne élevée nommée depuis Cerro de la Esperanza, par Vicente Gómez ; ce dernier put, en 1855, apercevoir depuis son sommet, la grande surface azurée du Nahuel-Huapi. Sur ses bords, Melendez construisit une pirogue (dont les restes furent trouvés plus tard par Cox), et y navigua, mais sans trouver les vestiges de la mission que lui indiquèrent