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les autres dépressions lacustres. Ce fleuve décrit mille sinuosités vers le sud-est, selon les caprices des monticules morainiques, pour retourner brusquement à l’ouest se jeter dans le lac, après un cours de plus de cinquante kilomètres au milieu des moraines (planche XXI, fig. 2). Il se présente ainsi un autre cas, et le plus intéressant, de la division des eaux. Le rio Fénix qui coulait avant constamment vers l’Atlanlique, a été interrompu dans son cours par un de ces phénomènes communs aux fleuves qui traversent des terrains meubles, principalement glaciaires. Un simple éboulement de pierres détachées a dévié une grande partie de son cours, et l’a amené au lac dont j’ignore encore le débouché, tandis qu’à l’orient l’eau ne reparaît que pendant les grandes crûes où il déborde ; il s’établit alors un petit courant dans l’ancien lit, aujourd’hui presque comblé ; cependant, il suffirait là d’un travail de quelques heures pour que ces eaux reprissent leur direction primitive et coulassent toutes au rio Deseado. Les cartes géographiques anciennes indiquent le rio Deseado comme très volumineux et il est probable qu’il l’était au temps où il fut exploré par les premiers voyageurs dont les observations méritent, en général, plus de crédit qu’on ne leur en accorde. En 1876, j’ai visité ce fleuve, ou plutôt son ancien lit à l’embouchure dans le port du même nom ; et n’y ai trouvé que de petites sources, phénomène dont l’explication réside dans les faits que nous avons signalés au sujet du rio Fénix et d’autres cas analogues. Si j’avais disposé de plus de temps, j’aurais ramené à son lit primitif l’ancien courant, car, chaque jour, les capteurs (tomeros) exécutent des travaux plus considérables sur les rios de San Juan, Mendoza, etc., pour l’irrigation des terres.

Si la Nation décidait la création d’une colonie dans ce parage, j’ai la conviction qu’il ne lui coûterait pas un centime de ramener les eaux du rio Fénix et celles du rio Deseado supérieur jusqu’à l’Atlantique et les résultats pratiques de cette entreprise seraient considérables ; en profitant de ce beau port, on établirait une communication facile avec la région andine si fertile et l’on convertirait cette baie, aujourd’hui solitaire, en station de premier ordre pour l’escadre nationale.

Dans la dépression, au nord du lac, on distingue cinq lignes de moraines latérales, et les blocs erratiques prédominants sont composés de granits, de diorites et de porphyres, roches néovolcaniques et calcaires noirs.

J’avais rempli mon programme qui était de connaitre personnellement d’une manière générale la zone andine pour l’étu-