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Le docteur Florentin Ameghino a nié, plusieurs fois, dans ses publications, la présence de phénomènes glaciaires dans les plaines et sur les plateaux patagoniques, mais il suffit de donner la représentation de ce bloc erratique et celle des autres paysages glaciaires pour démontrer l’inconsistance de ses affirmations qui n’ont d’autre base que sa manie de dire noir quand les autres disent blanc.

Il ne me fut pas possible d’atteindre aujourd’hui le lac Buenos Aires, point extrême de mon voyage, et nous passâmes la nuit auprès d’un affluent du Guenguel. Le plateau au sud présente une grande protubérance formée par un amoncellement de cailloux roulés, qui mesure, en certains endroits, une quarantaine de mètres d’épaisseur, et tous, jusqu’aux plus grands, ont leurs angles arrondis, se distinguant en cela des blocs erratiques des fractures transversales.

Du haut du plateau, nous apercevons brusquement la grande dépression lacustre, peut-être la plus grande de Patagonie, après celle du lac Viedma. Le plateau s’abaisse presque perpendiculairement, et nous avons peine à trouver la descente. Le versant dénudé permet de reconnaître sa constitution géologique, composée d’abord d’une couche de cailloux roulés de cinquante mètres d’épaisseur, puis de strates horizontaux, de grès, d’argile et de conglomérats. Le talus a environ 400 mètres de hauteur et domine un paysage glaciaire, le plus grandiose que j’aie observé en Patagonie et qui occupe plus de la moitié de la largeur de la dépression. Ces amoncellements de pierres de toute dimension sans orientation apparente vus d’en-bas, mais qui, observés de la hauteur, se divisent en deux séries, dénotent l’activité prolongée du grand glacier, retiré aujourd’hui à l’extrémité occidentale de la dépression du lac, et qui se distingue dans la brume dans le lointain, au pied d’une chaîne orientée du nord au sud.

Le lac Buenos Aires n’a pas la magie du lac Nahuel-Huapi, ni celle du lac Fontana, mais il est plus imposant (planche XX, fig. 2). La grande anse orientale n’a pas de forêts et dans les moraines croissent tout au plus quelques petits buissons ; ce n’est que près d’un lac accessoire, belle darse de cette mer douce, qu’on distingue des silhouettes d’arbres. Ce bassin est dominé par les montagnes élevées d’un massif aux neiges éternelles, des glaciers duquel nait le rio Fénix qui descend juste au pied du plateau dans la dépression comprise entre les deux lignes principales de moraines, ligues semblables à celles que j’ai observées au Nahuel-Huapi, au lac General Paz, et dans