Page:Morelles - Les diamants de Kruger, 1906.djvu/9

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Je vous en prie, fit l’étranger, ne vous dérangez pas pour moi.

— Nous avons fini, je suis à votre disposition. Vous voyez que je ne vous trompais pas en vous disant que toutes mes minutes sont prises.

— En effet.

— Toutes mes minutes ; alors, vous pouvez voir si mes jours le sont aussi.

— Vous menez une machine énorme.

— Oui. Tout le monde peut mener une machine comme celle-là ; seulement, tout le monde n’en a pas une à sa disposition, ou bien n’a pas la force d’en édifier une.

Mais nous n’avons pas de temps à perdre. Vous m’êtes recommandé par un de mes bons amis, je veux faire mon possible pour vous. Voulez-vous venir jusque chez moi dans ma voiture ? nous causerons en route.

— Volontiers.

Ils sortirent et montèrent dans une Victoria. Pendant que les roues caoutchoutées foulaient doucement l’asphalte, le directeur regardait son homme à la dérobée. Par un reste de vieille habitude, il aimait à deviner sur le visage des gens ce qu’ils pouvaient être. Il se demandait : Quelle est cette tête-là ? est-ce celle d’un campagnard qui ne veut pas travailler la terre et veut faire le monsieur ? est-ce une tête de flâneur, une tête de raté des professions libérales, une tête d’imbécile ? Mais comme il s’arrêtait à cette dernière catégorie, il rejeta l’épithète tout de suite, car celui qui était assis à son côté avait bien la physionomie la plus intelligente qu’on puisse imaginer : le nez fort mais bien taillé, les yeux gris, tranquilles et pro-