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Mais, fit l’étranger, est-ce que les bureaux du directeur en chef ne sont pas dans cet édifice ?

L’autre le regarda en riant à moitié :

— Ma foi, mon cher monsieur, fit-il gouailleur, on dirait que vous arrivez de votre village ; les grands magasins Paquet sont une ville à eux seuls. Je me demande souvent si, quelqu’un de ces jours, on n’y mettra pas des tramways, comme dans les rues. Ce ne serait pas sans besoin, il y passe assez de monde pour ça.

Conscient de son importance, le guide s’évertuait à énumérer les merveilles entassées dans les différentes salles. Ils arrivèrent à une porte vitrée sur laquelle, en lettres d’or, se lisaient les mots : « Bureau du directeur en chef ». Au coup frappé discrètement, une voix pleine et calme répondit : Entrez !

Le visiteur touchait au terme de son voyage. Un instant après il se trouva dans le sanctuaire même de l’immense institution commerciale. De tous côtés, par-dessus les minces cloisons qui séparaient les bureaux, le bruit sec et métallique des machines à écrire, le trille bref et vingt fois répété des sonnettes électriques, enfin toute la rumeur fiévreuse des grandes institutions d’affaires, arrivaient à ses oreilles et les emplissaient de sonorités jusque-là inconnues. Cette manifestation d’une vie intense, excessive, rapide et pourtant admirablement ordonnée, jetait dans son âme des clartés nouvelles et lui faisait voir l’inutilité et le vide des années vécues dans l’inaction et l’insouciance.

L’ameublement de la pièce était simple mais joli. Dans l’épaisseur de la table où s’accoudait le directeur, dix boutons, dix yeux guettant des