Page:Morelles - Les diamants de Kruger, 1906.djvu/59

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 59 —

tinées à regarder l’eau verte où se baignaient presque ses pieds, tant la vague était longue et régulière.

En mer, on se connaît vite. Au bout de deux ou trois jours, on prend le bras de la première passagère venue et on lui offre de faire une marche de santé. Puis, petit à petit, on étend le cercle de ses connaissances, les confidences viennent rapidement, les sympathies se dégagent, on fait le choix de ses amis ou de ceux qui seront ses amis pendant la traversée. Ces amitiés se prolongent quelquefois au-delà du voyage, mais rarement. Les passagers du « City of Lisbon » étaient américains, sauf une vingtaine, parmi lesquels un Japonais, homme instruit, parlant le français et l’anglais, que son gouvernement envoyait en Afrique étudier les mouvements stratégiques des Boers et des Anglais. Il y avait aussi un Finlandais, Anton Wigelius, qui voyageait pour son plaisir. C’était un grand garçon, superbement découplé, aux traits énergiques adoucis par des yeux pâles pleins de rêve. Il passait son temps avec Miss Alberta Block, une grande Anglaise sèche et maigre, qui prenait au sérieux ses déclarations d’amour. Enfin le paquebot portait l’énigme classique des transatlantiques, la jeune fille seule, riche, belle, confiée à quelqu’un d’invisible, qui ne se mêle pas aux autres et prend place à table près du capitaine. L’énigme du « City of Lisbon », Berthe Mortimer, était une Américaine qui s’en retournait à Durban après avoir passé un an dans une université des États-Unis. Elle était bien faite, avait de beaux cheveux noirs, de grands yeux, le teint mat et