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racle, tous les deux d’aplomb sur leur banc. Dolbret reprit :

— J’aimerais bien mieux un verre d’eau dans une…

Il n’eut pas le temps de finir, sa tête se pencha et il tomba au fond de la chaloupe, vaincu par la fatigue. L’ouragan faisait rage et le froid devenait intense. Ce fut avec peine que Labbé put relever son ami, qui ne reprenait pas connaissance. Le pauvre garçon était autant brisé par la fatigue morale que par la fatigue du corps. Labbé prit le bout de l’amarre qui était resté à l’avant, il l’attacha à une ceinture de cuir qu’il portait toujours, puis il entoura, avec l’autre bout, le corps de son ami. Ce geste, nul ne pouvait le voir, mais il était grand. Ne voulait-il pas dire : « Quoiqu’il arrive, nous mourons ensemble, ou nous nous sauverons ensemble ; ce qui me reste de force, je l’emploierai pour les deux et non pas pour moi tout seul. » Le pauvre garçon essaya de ranimer Pierre, mais sans succès. Alors il mordit une bouchée de pain et il sonda l’horizon du regard ; mais il ne vit rien, si ce n’est la vague écumante et le ciel plein de trahisons.