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qui tiraient sur leur capitaine pour se venger de lui. En même temps, ils m’ont fait mon affaire.

Ah ! monsieur Pierre, c’est triste, allez, de mourir comme ça, par accident. Au moins si j’avais été tué par les Boers. »

Je ne savais que dire pour l’encourager, pour l’aider à s’en aller de l’autre côté ; j’avais beau chercher, rien ne venait. Au reste, toute parole eût été vaine. À quoi cela aurait-il servi de lui conseiller de se résigner à son sort, de lui expliquer que la destinée est aveugle, que du même coup elle fait des heureux et des malheureux, que, par exemple, pendant qu’une tempête nous avait aidés à fuir, une autre tempête avait fait dévier le « City of Lisbon » de huit cents milles au nord de sa route et nous avait permis de nous sauver ?

Il pleurait. Cependant il eut le courage de me demander :

— Et les diamants, les avez-vous trouvés ?

— Oui, lui dis-je, et quand tu seras guéri, tu les verras, tu en prendras une poignée.

— Je ne pourrai jamais en prendre une poignée, me répondit-il tristement, j’ai les deux mains emportées, et puis je n’en ai pas pour longtemps. Ah ! Pierre Dolbret, tu as de la chance toi, tu vas t’en retourner dans le pays, tu vas voir les gens de chez nous…

Il essaya de parler, mais la voix lui manqua, il sanglota comme un enfant.

…Tu vas aller par chez nous, tu verras peut-être la bonne femme ; pauvre bonne femme, qui n’aura plus son P’tit-homme pour aller aux bluets !

Je lui promis de retourner le voir dans la soirée. J’y suis allé, mais il n’était plus temps, il venait de mourir. Pauvre garçon ! J’aurai soin de la « bonne femme, » comme il disait.