Page:Morelles - Les diamants de Kruger, 1906.djvu/292

Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 290 —

— Oui, fit le Zoulou en baissant la tête.

— Bien. Attention. Quand je dirai : En avant ! vous planterez la pointe de vos poignards dans la croupe de vos chevaux ; ils partiront bien.

Zéméhul, d’un geste désespéré, avec une expression de folie sur la figure, montra le charnier qui s’étendait devant eux ; il essaya de dire : « Je m’en vais », Mais comme il se retournait vers Bloemfontein, quelque chose de froid toucha sa tempe : c’était le canon de son fusil que lui présentait Dolbret. D’un bond, il fit voile-face.

— En avant ! cria Pierre avec rage.

Un bruit mat de couteaux enfoncés à tour de bras dans la chair vive frôla l’air, les chevaux poussèrent un hurlement de douleur et s’élancèrent, épouvantés, le ventre parmi les débris humains qui jonchaient le sol. Il était temps : Wigelius venait d’entendre crier :

Here they are !

Les bandits entrèrent à leur tour dans le champ des morts. Leurs chevaux, voyant les autres devant eux, les suivirent sans hésitation et ce fut, dans cette plaine lugubre, par cette nuit d’effroyable tempête, une course insensée, furibonde ; ces huit Mazeppas évoquaient quelque chevauchée macabre renouvelée des temps fabuleux. Les poitrails des bêtes haletaient, leurs flancs battaient comme des soufflets de forge mus par une main puissante, le sang coulait, noir, le long de leurs flancs meurtris par l’acier, leurs grands yeux sombres mouraient sous leurs paupières baissées, l’âme s’en allait d’eux et ce qui leur restait de vie, ce n’était plus que la flamme que semblaient leur communiquer ceux qui les montaient.