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commencèrent, et une harmonie douce, lente, sombre, lamentable, accompagna le bruit cadencé des pas. Toute l’assistance fut debout d’un seul mouvement et deux cents mains se levèrent à la hauteur des fronts inclinés. Le cortège passa et on n’entendit plus que vaguement la mélodie triste de la marche funèbre de Chopin.

Quelqu’un demanda :

— Quel est celui qu’on porte en terre ?

— Le lieutenant Robins, interprète cafre, fut la réponse.

— C’est malheureux pour le pauvre garçon, et aussi pour le service de Sa Majesté, dit le colonel, car c’était le seul interprète que nous eussent laissé les Boers. Il va falloir en chercher un autre.

Pierre eut un éclair dans les yeux : son imagination féconde venait de lui inspirer un moyen de se tirer d’affaire ; il allait tenter une chose que le succès pouvait rendre sublime.

— Prisonnier, dit le colonel, avant de mourir, vous avez le droit de parler ; vous pouvez le faire, si vous le désirez.

Pierre se recommanda à tous les saints, puis, d’une voix entrecoupée de sanglots, il commença de dire :

— Tisaka, atatatitoto skababa. Pululu atoto macha macha, machi sibibi tisaka camakoko. Ti bubu Québec atatoto chamina ashishi !…

Il s’était d’abord produit une détente sur les visages des membres de la cour, dont les nerfs subissaient, depuis une heure, une rude épreuve. Lorsque ces étranges paroles se firent entendre, un profond étonnement se produisit ; des sourires même s’equissèrent sur quelques bouches, mais