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veiller d’un manière particulière. On lui annonça que son affaire serait réglée dans la soirée.

Comme la veille, après une pluie torrentielle, le firmament s’était rasséréné ; il montait au front des buées chaudes, et la poitrine s’emplissait d’air parfumé. Vers huit heures du soir, un coup frappé à la porte de l’espèce de hutte où Pierre était prisonnier, vint le tirer de ses réflexions. Le gardien alla ouvrir, et revint en disant :

— La cour martiale s’assemble à neuf heures. On vous envoie votre souper, avant de commencer.

Pierre n’avait pas faim, il répondit :

— Je suis enchanté : j’ai une faim d’enfer et une soif de mauvais riche.

All right !

On apporta un lunch complet : rosbif froid, pain, beurre frais, sauce aux herbes, confitures, bière anglaise, enfin un menu de prince ou de condamné à mort, ce qui est tout un. Et notre homme songeait à part lui : Si je pouvais manger jusqu’à ce que mort s’en suive, cela m’éviterait peut-être la corde. Pourtant il ne s’arrêtait pas volontiers à cet expédient ; en simulant une faim de loup, il espérait plutôt faire croire à ses juges que sa conscience était parfaitement tranquille. Au bout de cinq minutes, la petite table branlante sur laquelle on l’avait servi était aussi veuve de victuailles qu’auparavant.

— Pardon, mon vieux, dit Pierre au gardien, n’est-il pas possible de me faire renouveler portion ? je me meurs littéralement de faim.

— Vous mourez de faim ? fit l’autre avec un sourire.

— Parfaitement. C’est plus honorable que