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Il pouvait être neuf heures du soir quand Busbay arriva à la grille du château. Un calme extraordinaire y régnait. « Ce n’est pas bruyant par ici, se dit-il ; mes pas retentissent sur le sable comme des sabots sur le marbre, il ne sera pas facile de ne pas m’annoncer. Risquons toujours. » Le soliloque — ce collo que des âmes multiples qui sont en nous — a évidemment du bon, car, après s’être fait cette réflexion, il partit d’un pas plus décidé et plus léger.

De chaque côté de l’avenue s’épanouissait une flore probablement implantée là par l’homme, car les environs de Lourenço-Marqués sont arides et nus, les arbres y sont rares, et le châtelain de « Cedofeita » avait dû dépenser des sommes énormes pour s’entourer ainsi de fleurs. Les rosiers monstres de l’Afrique y grimpaient comme nos lierres le long des tonnelles et des kiosques et, par cette belle nuit, c’était un enchantement que de voir les touffes de roses et d’en respirer le parfum.

Tout à coup Busbay s’arrêta : il venait d’apercevoir, à l’avant-corps de droite, une fenêtre illuminée. Il se remit à songer : « Il y a quelqu’un dans l’aile droite. C’est ce que je pensais. Tout de même je n’entends rien, pas même de chien, c’est singulier. Quelle imprudence pour des femmes seules ! Allons toujours. »

Un instant après, il mettait la main à la tête de lion d’un lourd heurtoir suspendu comme une menace à une solide porte de chêne du rez-de-chaussée. Il heurta trois fois, mais rien ne vint. Alors, collant son oreille au bois de la porte, il écouta longuement. Seuls, dans le silence mystérieux de cette singulière demeure, neuf coups lents et