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INTRODUCTION.

Il a été dit, au début de cette introduction, que l’Utopie n’était pas précisément le code du genre humain, ni le programme de la paix universelle. Cela se confirme par la lecture du second livre, et la conduite de la république utopienne à l’égard de l’étranger. — La politique de ce peuple-modèle s’éloigne absolument des principes d’égalité et de justice, qui président à son organisation intérieure. Elle porte l’empreinte de ces temps de machiavélisme raffiné, où Thomas Morus composa son livre ; elle sent l’impure école de César Borgia.

L’Utopien, modeste dans la vie privée, est insolemment fier de la supériorité de son pays ; il méprise les autres nations, et prendrait de droit toute la terre, s’il en avait besoin, pour s’y loger et vivre. Ce peuple ne reconnaît pour alliés que ceux qui lui demandent des lois et des chefs, acceptent sa protection, son commerce et son empire. Non content de posséder au loin d’immenses territoires, il veut encore être l’arbitre des continents qui l’avoisinent. Quand l’honneur ou l’intérêt lui commandent une guerre, il commence par inonder le pays ennemi de proclamations, d’or et d’agents secrets, afin de soulever les révoltes et les déchirements ; de soudoyer la guerre civile