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l’on doit la procurer à soi comme aux autres. Pourquoi aurions-nous donc moins de compassion pour nous que pour autrui ? La nature qui nous inspire la charité pour nos frères, ne nous commande pas d’être cruels et sans pitié pour nous-mêmes.

« Voilà ce qui fait affirmer aux Utopiens qu’une vie honnêtement agréable, c’est-à-dire que la volupté est la fin de toutes nos actions ; que telle est la volonté de la nature, et qu’obéir à cette volonté, c’est être vertueux.

« La nature, disent-ils encore, invite tous les hommes à s’entraider mutuellement, et à partager en commun le joyeux festin de la vie. Ce précepte est juste et raisonnable, il n’y a pas d’individu tellement placé au-dessus du genre humain, que la Providence ne doive prendre soin que de lui seul. La nature a donné la même forme à tous ; elle les réchauffe tous de la même chaleur, elle les embrasse tous du même amour ; ce qu’elle réprouve, c’est qu’on augmente son bien-être, en aggravant le malheur d’autrui.