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Floupette est sûr de faire éprouver à tous les décadents les affreuses sensations que cet adjectif herbageux suggère. C’est une transposition.

Arrivés là, quelques lecteurs inquiets s’arrêteront pour se demander si nous ne sommes pas en train de les mystifier. Qu’ils se rassurent, nous leur racontons aussi clairement qu’il nous est possible le plus étrange assaut qui ait jamais été donné à la langue française, cette belle langue raisonnable et sceptique, amoureuse de netteté et de clarté, qui a une horreur spéciale pour l’inachevé dans l’expression et n’est pas plus faite que le grand jour pour l’indécision et le flottant des rêves. On peut penser tout ce qu’on voudra de cette violence, en rire ou s’en alarmer, mais il nous semble qu’il ne s’en est point vu d’aussi curieuse depuis que Ronsard essaya de parler grec et latin en français, et qu’elle vaut la peine qu’on s’y arrête une fois.

En appliquant aux mots le principe de l’analogie, on trouverait que les sons qui les composent correspondent à des couleurs et à des parfums. C’est ce que les décadents n’ont pas manqué de faire. Ils ont largement commenté le vers de Victor Hugo :

Car le mot, qu’on le sache, est un être vivant.


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Des observateurs timorés de notre temps ont la bonhomie de s’inquiéter de l’existence des poètes décadents. Serions-nous vraiment en décadence ? Ma foi, on le saura dans cinquante ans. Pour le moment, il est permis de constater qu’il n’y a rien en eux de bien spécial à notre