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sont, comme la santé, méprisés du décadent. Écoutez plutôt ce que veut M. Moréas :

Je veux un amour plein de sanglots et de pleurs.
Je veux un amour triste ainsi qu’un ciel d’automne,
Un amour qui serait comme un bois planté d’ifs
Où dans la nuit le cor mélancolique sonne ;
Je veux un amour triste ainsi qu’un ciel d’automne
Fait de remords très lents et de baisers furtifs.

Les peaux décolorées par les fards, les yeux cerclés de vert ou de bleu, les sangs pauvres et les nerfs détraqués des races vieillies, les humeurs fantasques précédant les maladies mentales, les vierges d’une perversité précoce, les vices qui s’épanouissent comme des moisissures sur le fumier des sociétés en décomposition, toutes les dépravations savantes des civilisations faisandées, ont naturellement la séduction des choses rares pour le décadent qu’horrifient les simples amours comprises de tout le monde. Il les assaisonne de religion, car il est catholique. D’abord, si l’on n’avait pas de Dieu il serait impossible de le blasphémer et de pimenter ses plaisirs par l’idée du péché. Ensuite, sans Dieu, on ne saurait avoir Satan ; et, sans Satan, il impossible d’être satanique, ce qui est essentiellement la manière d’être du décadent.

— On connaît trop ses manières charmantes, dit un habitué du café de Floupette en parlant du diable. C’est un vrai gentleman, et puis il est damné de toute éternité, ce qui le rend intéressant.

Un autre habitué fait remarquer quelles complications invraisemblables on obtient avec la religion. En aimant,