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III


Tandis qu’avec tout le décorum de la cour, se déroulait ce drame lugubre, la pauvre femme de Nado vivait d’angoisses que les mots ne sauraient rendre.

Terrassée par le choc que lui avait causé l’arrestation de son mari, elle avait dû s’aliter et se trouva incapable d’assister au procès. Elle en fut donc réduite à attendre qu’un voisin charitable, appelé comme témoin, par l’avocat de l’accusé, vint charitablement, chaque soir, lui relater les séances de la cour. La malheureuse le questionnait sur mille circonstances qui avait échappé à son esprit peu observateur, et dès le premier jour, elle comprît à l’allure de cet homme que le doute était entré dans son esprit. Elle qui avait foi en l’innocence de Pierre, elle en éprouva une sourde révolte. L’épouse infortunée se rendit compte, aussi, que ses voisins ne lui témoignaient plus la même bienveillance ; il y avait comme une nuance de pitié et même de méfiance dans leurs manières, depuis l’arrestation de son mari : il y avait des enfants qui évitaient de jouer avec les siens. Le lendemain du jour où Mlle Nangin avait déclaré reconnaître en Nado l’homme qui l’avait assaillie dans la maison de son oncle, un gamin qui s’était querellé avec le petit Nado, lui avait crié : « Ton père est un voleur, tout le monde le dit ».

L’enfant outré de colère, s’était rué sur son camarade et l’avait rudement châtié.

Et la mère du jeune calomniateur étant survenue, au moment où Mme Nado ouvrait la porte pour appeler son fils, la voisine cruelle lui avait jeté cette parole méchante : « Votre enfant promet bien de ressembler à son père ». La pauvre mère avait simplement répondu, en cachant ses larmes : « Si mon fils devient méchant, il ne ressemblera plus à son père. »

Elle se rappelait tout cela, maintenant, et quoiqu’elle eût gardé toute sa confiance en l’honneur de son mari, elle n’avait plus confiance en la justice des hommes.

Aussi, le deuxième jour du procès, lorsque le voisin obligeant vint lui rendre compte de ce qui s’était passé à la cour, elle n’eût pas besoin de l’interroger pour savoir que tout espoir était perdu : l’angoisse de son cœur l’en avertit plus tôt que le visage consterné du messager

« Ils ont osé le condamner ? dit-elle presque bas, comme si elle eut peur de la réponse prévue.

— « Hélas ! répondit l’homme impitoyable, d’un ton sentencieux, la preuve était écrasante ». Et il s’en alla, sans adresser une parole de consolation à cette malheureuse abandonnée.