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parce que c’est encore plus facile de répondre toujours au nom de Noler que de comprendre toutes les imitations de mon nom véritable dont on m’appelait. Mon nom est Nolier et je suis née dans la province de Québec. Mon père était le docteur Nolier de Saint-X. il émigra aux États-Unis, après la mort de ma mère. Je n’avais alors que cinq ans. »

À ce récit, tous les membres de la famille Nado se regardèrent avec effarement. C’était le drame horrible du passé qui surgissait devant eux dans la personne de cette innocente et honnête jeune fille. Inconsciente de l’effet tragique de ses paroles, la pauvre enfant continuait à donner candidement sur elle-même et les siens tous les renseignements qu’elle connaissait. Il était évident qu’elle ignorait la tragédie qui avait causé la ruine et la mort de son père. Jean Nado bouleversé jusqu’au fond de l’âme, regardait tour à tour son père et sa fiancée, se demandant s’il avait le droit d’imposer à celui-ci la présence de celle qui sans le savoir lui rappellerait sans cesse le malheur de sa vie. De son côté, Mme Nado, concluait en elle-même que son fils n’aurait pas la cruauté de vouloir que son père appelât sa fille, l’enfant de la femme monstrueuse qui avait si injustement ruiné leur bonheur modeste et fait du chef de la famille un forçat.

Elle cherchait la solution de ce problème dans le regard de son fils, mais ce fut Pierre Nado lui-même qui la donna.

D’un ton dégagé, il répondit à la jeune fille : les Américains ne vous ont volé qu’une lettre de votre nom, ce n’est pas la peine de leur en vouloir ; d’autres ont perdu beaucoup plus que cela dans la bataille pour la vie et qui savent encore pardonner. Il ajouta en lui tendant la main : « Mademoiselle Nolier, soyez la bienvenue dans ma famille. J’espère que nous n’aurons jamais à nous plaindre l’un de l’autre. »

Jean Nado, ému jusqu’aux larmes, prit la main de sa fiancée, et s’approchant de son père, il dit : « Mon père bénissez-nous, votre bénédiction nous portera bonheur, car c’est celle d’un saint. »


FIN