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Hermas entrant, un jour à l’improviste, s’approcha sans façon pour l’embrasser. Mais en le voyant venir à elle Zilda fit prestement disparaître au fond d’un tiroir le cahier sur lequel elle était en train de griffonner. Ce geste inattendu surprit son mari, qui ne put s’empêcher de lui dire, sans colère, mais avec quelque inquiétude : « Pourquoi as-tu caché ce cahier. Ne dois-je pas savoir ce qu’il contient ? »

— « Je ne veux pas que tu lises maintenant », répondit sa femme.

— « Alors, plus tard, je pourrai le lire ? »

— « Oui, je veux que tu sois le premier à la lire cette histoire, cette histoire triste. »

— « Ah ! c’est une histoire, tu as donc des ambitions d’auteur, ma petite femme, » dit-il en la prenant dans ses bras.

Elle sourit mélancoliquement et répondit : « Oh je n’ambitionne pas la gloire, je ne demande que de l’indulgence, beaucoup d’indulgence. »

Hermas se mit à rire : « Voilà madame qui rédige sa préface, je crois ; indulgence, c’est le mot à la mode chez les écrivains ; ils réclament tous de l’« indulgence, beaucoup d’indulgence » mais le lecteur qui y voit clair, traduit à sa manière par « Admiration ». Et dire que je serai le premier critique de ma chère auteur, comme si le rôle de mari et de père ne suffisait pas à mon bonheur ».

Et Hermas riait de tout son cœur.

— « Mais dis-moi, est-ce en prose ou en poésie que tu écris ce mystérieux ouvrage ? »

Il vit qu’elle demeurait sérieuse, malgré sa gaîté à lui, et il ajouta, railleur toujours : « Oui, je devine que c’est de la poésie, car ma petite femme a déjà la légendaire susceptibilité des poètes. »

VI


Il ne fut plus question de cet incident entre eux, et peut-être, Hermas l’avait-il oublié, car un plus grave souci était venu solliciter son attention : Zilda était sérieusement malade. Le mal qui depuis si longtemps semblait la ronger sourdement, avait fini par la terrasser. La jeune femme se mourait de consomption, et sachant que sa fin était proche, elle attendait la mort avec une sereine résignation.

Un vieux prêtre à cheveux blancs était auprès d’elle ; il tenait à la main le cahier que nous avons vu Zilda dérober si prestement aux regards de son mari, dans le chapitre précédent.

— « Dois-je le lui remettre immédiatement ? »