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SOUVENIRS

suivant les lois de la phonétique française ; et, enfin, des fautes, de vulgaires fautes mais heureuses, ainsi que dit le chant liturgique, si elles sont communes à tous les Français, qui continueront de croire, malgré les savants, aux « panacées universelles » !

Archaïsme, anglicisme, canadianisme, c’est la division classique, souvent reprise chez nous et à laquelle je n’ai pas échappé ; mais pourquoi m’en excuser, si ce triptyque offre un moyen logique de dégager, sous les complexités du moment, un parler régional, d’essence française, entendu par tout un peuple et sur tout un territoire, constellé d’emprunts parfois discutables, nourri de formes dialectales, enrichi de quelques inventions, assez semblable, somme toute, à celui que l’on rencontre dans les provinces françaises, moins l’infiltration étrangère qui est surtout sensible à Paris. Le Mercure de France soulignait un jour l’amusante aventure de deux Anglais qui avaient appris le français, l’un à Bordeaux, l’autre à Brest, et qui se servaient de mots incompréhensibles l’un pour l’autre et que, pour ma part, sauf deux ou trois exceptions, je n’aurais pas saisis, bien qu’ils fussent de physionomie française et nés du terroir. Il eût été difficile, disait le Mercure, d’expliquer à ces étrangers que l’unité de langue n’existe pas en France et qu’on pourrait écrire, pour chaque province, des variantes du Mariage de Mademoiselle Beulemans.

Ne sied-il pas, enfin, de considérer que notre parler a vécu longtemps dans l’isolement complet, séparé par une irrémédiable distance ? Qu’y aurait-il d’étonnant à ce qu’il eût perdu, dans le flottement des mémoires, quelques sonorités ou quelques syllabes ? Dans les plus grandes pénu-