Page:Montpetit - Souvenirs tome III, 1955.djvu/54

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
54
SOUVENIRS

d’humour un discours insinuant. Politique dans l’âme, il soigne ses entrées et sollicite les volontés. Gênes est son œuvre, il y apporte ses complaisances et ses ressources. Barthou, très en forme, orateur merveilleux, plutôt sur la défensive, est très applaudi. Tchitcherine a l’air doux et timide, quoiqu’il ne le soit pas du tout. Éloquent, il siffle des phrases sonores. Il a l’aspect d’un petit notaire de campagne, avec ses lunettes à cheval sur le nez, sa barbiche menue et son ventre léger. Il parle bien le français.

La séance se poursuit sans incidents fâcheux. M. Theunis s’en réjouit : « C’est fini, dit-il, et, Dieu merci, nous ne sommes pas morts. » Je n’y avais pas songé : mais c’est, en effet, quelque chose.

Le travail s’enchaîne. Quatre commissions sont établies : sir Charles Gordon est désigné à la Commission des questions économiques et commerciales et à celle des intérêts financiers : pour ma part, je siège à la Commission politique, où se débattent les affaires russes, et à la Commission des transports. D’ailleurs, sir Charles et moi agissons comme substitut l’un de l’autre, pour assurer la participation du Canada à toutes les réunions.

Notre action joue surtout au sein de la délégation britannique, dans des séances auxquelles prennent part, parfois jusque dans la nuit, les délégués des différentes parties de l’Empire qui font librement valoir leurs objections et exercent une influence sur l’attitude de Londres, dans le domaine de la politique commerciale, par exemple, au sujet des matières premières ou des relations du Canada avec les États-Unis. Ils peuvent adoucir certains textes. Je me souviens d’une note diplomatique destinée aux Russes et que, pour ma part, je n’eusse guère aimé recevoir. J’en fis l’observa-