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MINISTRE PLÉNIPOTENTIAIRE

plus lourd lorsqu’il travaille assis, et une pelisse pour dormir. Lorsqu’il se lève, il met son monocle : assis, il l’enlève. Un matin, le garçon de pont voulant l’aider à s’installer jeta par terre plusieurs feuilles de papier : il fallut voir l’indignation du personnage, toujours embarrassé d’une foule de livres et de serviettes bourrées de documents. C’est un diplomate dont je n’arrive pas à deviner la nationalité. Vogue-t-il vers Gênes ?

Un pénible incident nous étreint. Par un soleil glorieux, un garçon de cabine, père de nombreux enfants, est tombé à la mer. Le bateau ralentit et, dans le silence, tourne en vain durant deux heures au-dessus du gouffre vert, complice de la mort : puis, las et comme à regret, il reprend sa route.

Je partage le long loisir de la traversée entre le repos, auquel j’aspire depuis longtemps, et quelques travaux. Il me reste cent cinquante-deux copies d’examen à corriger. Je dois les expédier à l’École des hautes études par le premier courrier d’Europe.

Entre-temps, je me remets à l’italien, conscient de mon ignorance de l’an passé. J’avance un peu, mais je m’accroche aux verbes et je manque de pratique. J’espère tout de même nourrir mon vocabulaire.

Je lis les documents que j’ai réunis sur les conférences qui ont précédé celle à laquelle nous sommes invités. Je cause avec sir Charles, qui se renseigne de son côté, et nous esquissons un plan d’action. Mon collègue est large d’idées, et optimiste à un point qui frise parfois l’insouciance. Sans doute n’est-ce qu’apparence ; et je me prends peut-être trop au sérieux. Je suis sûr, en tout cas, que je n’aurai pas d’ennui de son côté. Très généreux aussi : nous dînons chaque soir au champa-